L’Habit fait le Thaï
La Thaïlande a assurément une culture de l’uniforme. Signe ostentatoire, façon de marquer leur appartenance à une caste, une entreprise, un métier ou une école, les Thaïlandais portent volontiers l’uniforme. Strict, détendu, de tous les styles, de toutes les couleurs, celui-ci fait partie de la vie quotidienne de la population active. Même les gens n’ayant pas d’activité requérant le port d’un uniforme, peuvent combler ce manque en adoptant la couleur attribuée à chaque jour de la semaine.
L’Uniforme dès le plus jeune âge
C’est le Roi Rama IV, au XIXe siècle, qui aurait instauré cette mode de l’uniforme pour les officiers du Royaume de Siam. Depuis, l’uniforme est imposé par les administrations et dans certaines entreprises. Ainsi, les employés de banque, les services de sécurité dans les grands magasins, les compagnies aériennes, les gardiens d’immeuble… Tout le monde ou presque porte un uniforme.
A la différence des pays occidentaux, où le port de l’uniforme n’est pas franchement prisé ni bien perçu, en Thaïlande, au contraire, il est omniprésent. Il suffit de regarder autour de soi dans la rue pour le constater. On le trouve dès les classes primaires jusqu’à l’université, mais aussi dans les administrations et dans nombre de banques et d’entreprises commerciales.
Les Thaïlandais le conservent même en dehors des heures de travail, semblant prendre un certain plaisir, voire aussi une grande fierté à le porter. Le port de l’uniforme commence dès le plus jeune âge, à l’école, où il est obligatoire. Dans les enseignements primaire et secondaire, les filles portent une très sage jupe noire ou bleue sous le genou et un ample chemisier blanc ou bleu pâle. Plus tard, lorsqu’elles accèdent à l’université, elles sont toujours fières d’arborer un uniforme qui prouve qu’elles poursuivent des études supérieures ainsi qu’un badge aux couleurs de leur établissement.
Dès lors, la tenue s’est transformée en mini-jupe et chemisier très sexy. Probablement, une façon de mettre en valeur leur féminité et aussi de s’émanciper, afin de se réapproprier l’uniforme pour en faire un objet de séduction. Les garçons, eux, portent plus simplement une chemisette et un bermuda, lequel fait place à un pantalon lorsqu’ils rentrent à l’université. Le tout, étant très sobre.
Durant les années d’école, les enfants doivent porter un uniforme qui est payé par la famille, mais là aussi, tout est soigneusement orchestré et ordonné selon des codes bien particuliers : ainsi, les lundi et mardi, les écoliers portent une chemise blanche (les filles avec une jupe bleue marine, des chaussettes blanches et des chaussures noires, les garçons, des shorts beiges, blancs, des chaussettes et des baskets noires). Le mercredi, les garçons sont en «scouts» (chemise et short marron avec un foulard orange et un chapeau rouge foncé), les filles en «girls guides» (chemise et jupe bleu clair avec un foulard bleu marine). Certains élèves sont en uniforme militaire de couleur vert. Le jeudi, les collégiens sont en chemise orange et les lycéens sont en chemise bleue. Enfin, le vendredi, les élèves sont en tenue de sport : pantalons, T-shirt de couleur et style fixés par l’école.
Cependant, les enfants ne sont pas les seuls à porter des uniformes, les professeurs également doivent s’habiller différemment selon le jour de la semaine : lundi, uniforme de fonctionnaire de couleur marron; mardi, habits traditionnels; mercredi, uniforme de scout; jeudi, une veste orange; vendredi, en pantalon.
L’appartenance à un Groupe
Le côté sexy chez les hommes, étonnamment, c’est du côté des membres de la Police Royale qu’il faut le chercher. Leur uniforme est d’un marron très seyant, constitué d’un pantalon moulant et d’une chemise tellement cintrée qu’ils donnent l’impression d’avoir été faits sur mesure. En fait, il se murmure qu’à l’origine ils seraient plus amples et que ce seraient les policiers eux-mêmes qui les feraient retoucher. Une chose est sûre, cette tenue qui colle au corps ne semble pas vraiment adaptée dans un pays où la température tutoie souvent les 40 degrés. Mais là n’est pas le problème principal ! L’uniforme des policiers thaïlandais produirait un effet tel que, d’après le quotidien «The Nation», 400 plaintes seraient déposées chaque mois par des policiers eux-mêmes, faisant l’objet de harcèlement sexuel dont les auteurs seraient à 60%… des hommes !
Plus sérieusement, il y a dans ce goût de l’uniforme, souvent de belle facture, une volonté marquée d’appartenir à un groupe et de revendiquer une place et un niveau social dans la société.
En effet, les Thaïlandais attachent beaucoup d’importance à la hiérarchie et ont un sens du statut très prononcé : on sait la position sociale que vous occupez au travers de l’uniforme que vous portez. Pour cette raison, les Thaïs sont, en général, très soignés de leur personne et font attention à leur allure, notamment lorsqu’ils sont de sortie. L’image que l’on donne de soi est très importante à leurs yeux. Aussi, la façon de s’habiller n’est pas neutre et a toujours un fondement qui exprime l’image de soi que l’on veut projeter. Pour un étranger découvrant le Royaume de Siam pour la première fois, certains codes, us et coutumes ou rituels thaïs pourront paraître étranges, voire abscons. Heureusement, il y a des moyens pour se familiariser avec le Pays du Sourire et découvrir toute la richesse qui se cache derrière cette société aux rites ancestraux.
Une couleur pour chaque jour de la semaine
En Thaïlande, il est de coutume de porter certaines couleurs à différents jours de la semaine. Chaque couleur correspond à la figure divine «protégeant» la journée en question. Ainsi, la couleur du jour de la naissance des royautés devient la «couleur Royale»; porter cette couleur est un signe de déférence et de loyauté.
Les vêtements jaunes et roses ont le plus de succès, actuellement, Sa Majesté le Roi Bhumibol, étant né un lundi, pour son anniversaire, le Royaume est donc décoré en jaune, tandis que le «rose» pour le défunt Roi King Chulalongkorn, né un mardi, demeure toujours très respecté. Enfin, le «bleu» est porté en l’honneur de la Reine Sirikit, née un vendredi. Le 5 décembre, jour de l’anniversaire du Roi actuel, la plupart des gens portent du jaune. Dés lors, beaucoup de drapeaux jaunes sont exposés ce jour-là, tandis que le 12 août, jour de l’anniversaire de la Reine (mais aussi de la Fête des Mères), les gens et les drapeaux forment un océan de bleu.
Récemment, avant le Coup d’État, lorsque la situation était très tendue en Thaïlande, de nombreux manifestants paradaient dans la rue, portant des T-shirts de couleur jaune, en témoignage de leur loyauté envers la Monarchie.
* Lundi : jaune (dieu Chandra)
* Mardi : rose (dieu Mangala)
* Mercredi : vert (dieu Budha)
* Jeudi : orange (dieu Brihaspati)
* Vendredi : bleu ciel (dieu Shukra)
* Samedi : violet (dieu Shani)
* Dimanche : rouge (dieu Surya)
Une anecdote qui en dit long sur l’emprise spirituelle de l’uniforme sur les Thailandais : depuis quelque temps, le très vénéré Roi Rama IX est à l’origine d’une nouvelle mode dans le pays, le rose poupin. En effet, le jour où celui-ci avait quitté l’hôpital d’où il résidait, en chemise et blazer roses, les sujets de Sa Majesté se sont rués dans les magasins pour se procurer des vêtements de la même couleur.
En l’espace de 2 jours, les ventes de chemises roses avaient bondi de 60%, après que les gens aient vu le Monarque portant cette couleur. Certains avaient, néanmoins, avaient pris de l’avance. Une femme, travaillant pour la Princesse Maha Chakri Sirindhorn, (une des filles du Roi, adorée par le peuple thaï), avait expliqué alors dans les colonnes d’un journal local que des astrologues avaient établi que le dieu Mars, représenté par le rose, aiderait le Roi à se fortifier.
«Depuis que son Altesse Royale a pris connaissance de ces suggestions au début de l’année, il porte du rose tous les mardis», avait-elle ajouté. Depuis, le rose est devenu à la mode, dans l’espoir qu’en porter aidera le Monarque, qui va avoir 87 ans cette année, à continuer à être en bonne santé.